Parfois la vie nous amène simultanément deux points de vue différents sur un même sujet : au moment où je découvrais Floraisons et sa très intéressante série de podcasts sur le livre « Full Spectrum Resistances » de Aric Mc Bay, on me proposait en parallèle d’écrire une chronique sur le livre « Comment faire tomber un dictateur quand on est seul, tout petit et sans armes » de Srdja Popovic. Le premier livre, en deux tomes non traduits en français, se veut une démonstration que lorsque les droits humains et notre planète sont attaqués, toutes les formes de luttes et de résistances (y compris celles impliquant la violence) sont nécessaires pour combattre en retour. Le second livre, écrit par le fondateur du mouvement Otpor ! qui permit en 2000 la chute du dictateur serbe Slobodan Milosevic, fait l’apologie de la non-violence, et des révolutions « lancées par les gens ordinaires, convaincus que s’ils se rassemblent pour réfléchir de façon créative, ils seront capables de renverser les dictateurs et de corriger les injustices. »[1]


Les luttes non-violentes à travers l’histoire :

Les principales campagnes stratégiques non-violentes du 20ème siècle ont marqué l’Histoire : l’Inde et la lutte d’indépendance contre l’Empire Britannique avec Gandhi, la lutte contre la ségrégation raciale en Afrique du Sud avec Nelson Mandela, les grèves organisées par le syndicat Solidarnosc en Pologne sous le pilotage de Lech Walesa… On peut aussi citer plus récemment les manifestations du printemps arabe, notamment ceux de la place Tahrir en Egypte, ou la chaîne humaine sur 170 km des Libanais de toutes confessions pour protester contre la corruption de la classe politique…

En analysant l’Histoire on constate que le recours à une action non-violente est la meilleure option si l’on souhaite instaurer ensuite un régime démocratique stable, durable, et qui intègre tout le monde, beaucoup plus qu’une action violente qui peut être remise en cause peu de temps après. Quelques chiffres pour corroborer cette affirmation ? Selon Chenoweth et Stephan, les pays qui ont connu une résistance non-violente ont plus de chances de rester des démocraties 5 ans après la fin du conflit. Choisissez la violence et vous avez de fortes chances de voir un retour à la guerre civile dans la décennie qui suit. 


Quelles sont les conditions de réussite d’un mouvement nonviolent ?

Srdja Popovic pointe dans son livre quelques clés de réussite pour la mise en place d’un mouvement non-violent :

La masse : il faut passer d’un petit groupe d’activistes à l’implication d’une majorité de la population, en rendant le mouvement populaire (dans le sens de fierté d’y appartenir) et en faisant se rejoindre les gens sur une cause commune, qui parle à tous. La plupart des gens ne s’engagent dans un combat que lorsqu’ils se sentent directement impliqués.

L’humour : utiliser le rire, le théâtre de rue ou d’autres supports artistiques, tourner en ridicule les forces de l’ordre, ou toutes formes d’actions utilisant l’humour. En effet les dictateurs restent au pouvoir parce qu’on choisit de leur obéir, et la principale raison d’obéir à quelqu’un reste la peur. Le recours à l’humour permet donc de contrer la peur véhiculée par le régime.

Commencer « petit », c’est-à-dire par un objectif restreint, pertinent mais accessible, se faire connaître, pour aller ensuite vers des actions de plus grande envergure. Comme le disait l’auteur activiste américain Jonathan Kozol : « choisissez des batailles assez importantes pour compter, mais assez petites pour les gagner ».

Avoir une stratégie planifiée : prendre le temps de la préparation, et notamment de l’analyse des opportunités et contraintes (coût de l’organisation, couverture géographique, ressources à disposition, moyens matériels à mobiliser…). Popovic réaffirme l’importance de l’unité et du maintien de la discipline non-violente à chaque étape de la campagne, et propose un modèle de mobilisation des militants autour de trois axes : Agir – Recruter – Former.

Identifier les piliers de soutiens au régime, et chercher à les fragiliser. Cette théorie des piliers de pouvoir a été développée par le chercheur américain Gene Sharp, le père de la théorie non-violente :

« Chaque régime repose sur une poignée de piliers, appliquez une pression suffisante à un pilier ou plus, et le système tout entier ne va pas tarder à s’effondrer. »

Le temps : ces actions se réfléchissent souvent sur du long-terme, et prennent parfois du temps avant de pouvoir se concrétiser par une réussite, mais il ne faut pas se décourager et au contraire redoubler d’enthousiasme et de créativité.


Mais concrètement, la non-violence, ça consiste en quoi ?

Pour être très concrets, on peut citer quelques exemples d’action non-violentes qui peuvent être facilement mises en place :

Des pétitions de grande ampleur ; des affiches, sms et courriers électroniques de masse ; des actes publics ayant valeur de symbole ; des rassemblements de protestations, marches ou défilés ; la désobéissance sociale ; le boycott de produits nationaux, d’usines de production, des grèves ; des sit-in et autres actions d’obstruction non-violentes ; le jeûne ou la grève de la faim ; l’obstruction des systèmes administratifs…

Cette liste n’est pas exhaustive, Gene Sharp ayant listé 199 actions possibles !

Ces luttes que l’on peut qualifier d’asymétriques, sont rendues plus faciles de nos jours grâce à des médias comme internet, qui permettent la diffusion virale d’informations et la sensibilisation de masse, dans le pays et vis-à-vis de la communauté internationale.

Autant de possibilités d’actions, pour éviter le constat de Jorge Luis Borges : « La violence est le dernier refuge du faible ».

[1] Avant-propos, page 9

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