Les représentantes et représentants des associations co-requérantes réunis pour fêter la victoire.
Les représentant.e.s des associations co-requérantes réunis pour fêter la victoire. © Emeric Fohlen / Greenpeace

L’État condamné

« On a gagné ! » se réjouissent les quatre ONG à l’origine de l’Affaire du Siècle. Dans la vidéo publiée suite à la décision du Tribunal Administratif de Paris, on fête une victoire qui pourrait en annoncer d’autres. Ce mercredi 3 février, la justice a en effet donné raison à Oxfam, l’association Notre affaire à tous, la Fondation pour la Nature et l’Homme et Greenpeace, ainsi qu’aux 2,3 millions de signataires de la pétition : l’inaction climatique de l’Etat est illégale. Pour mieux comprendre : l’Etat est condamné pour manquement car il « n’a pas réalisé les actions qu’il avait lui-même reconnues comme étant susceptibles de réduire les émissions de gaz à effet de serre ». Coupable donc de « carences fautives », il devra verser 1€ symbolique aux ONG pour préjudice moral. Néanmoins, bien que reconnu, le préjudice écologique ne donne suite à aucune condamnation.

Des militants du collectif “L’affaire du Siècle” mènent une action, près du pont Marie, à Paris avant la première audience dans le cadre d’un procès historique contre l’État français sur l’inaction climatique, le 14 janvier 2021. 
© Thomas SAMSON / AFP

Une victoire historique qui permet d’en entrevoir d’autres

Selon la juriste Clémentine Baldon interviewée par Mediapart, le point fondamental est la reconnaissance d’un lien de causalité. Celui entre le non-respect des actions que l’Etat s’était fixées lui-même et la baisse insuffisante des émissions de gaz à effet de serre. Mais cette reconnaissance par une Institution de l’Etat, prometteuse d’avancées pour le droit environnemental, n’est pas la seule source de réjouissances. En effet, le tribunal se laisse un délai de deux mois d’instruction supplémentaire.  Au printemps, il pourra alors être décidé d’enjoindre l’Etat à prendre des mesures pour réparer le préjudice écologique qui lui est reproché. Si une telle décision était prise, le Tribunal pourrait donc imposer à l’Etat un devoir de cohérence. Une injonction qui marquerait un tournant dans l’histoire de la lutte environnementale.

Le code de l’environnement et la justice, de nouveaux alliés pour la lutte environnementale


« l’Affaire du Siècle » s’inscrit dans une série de recours juridiques en France et dans le monde. La justice a su prouvé qu’elle était un allié puissant pour la lutte contre le dérèglement climatique. D’autres victoires juridiques mettent en lumière l’intérêt du levier de la justice, la plus importante d’entre elles étant la décision du Haut Conseil d’Etat dans l’affaire de la ville de Grande-Synthe. Pour rappel, en 2018, la ville menacée par des catastrophes naturelles avait saisie la justice contre l’Etat pour inaction climatique. En novembre 2019, le Conseil d’Etat avait donné trois mois au gouvernement pour prouver qu’il respecte ses engagements climatiques. Aujourd’hui, l’échéance arrivant pourtant bientôt à son terme, le gouvernement n’a pas encore fourni ces preuves.

Au-delà de l’inversion du rapport de force entre les militant·e·s et le gouvernement, ces recours permettent de pointer du doigt les faiblesses du droit environnemental. Ces affaires d’un nouveau genre soulignent un manque de formation des juges et avocats sur les questions climatiques. De plus, des associations, comme Notre Affaire à Tous, aspirent à l’institution d’un véritable droit environnemental et de nouveaux instruments juridiques. Le but étant de construire de nouvelles responsabilités qui incombent aux entreprises polluantes et aux pouvoirs publics.

L’inaction climatique, les raisons d’une incohérence

L’enjeu de « l’Affaire du Siècle » est bel et bien de démontrer que l’Etat, et par représentation le gouvernement, ne remplissent pas les objectifs climatiques. Objectifs qu’ils se sont eux-mêmes imposés, lors des Accords de Paris en 2015 notamment. Un décalage entre les discours et les actes n’a de cesse d’être décrié par les ONG. Un exemple notoire lors du dernier conseil européen en décembre 2020 : la France a défendu l’objectif de 55% de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Un objectif adopté depuis lors mais qui est largement en-dessous des 65% demandés par les ONG. 

Les actions du gouvernement n’ont pas suivi la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) qui s’inscrivait pourtant dans la réalisation des objectifs des Accords de Paris. Eux-mêmes en accord avec les données scientifiques du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Cyrille Cormier, auteur de « Climat la démission permanente », explique au micro de Mathieu Vidard sur France Inter les raisons de cette inertie. Selon lui, l’inaction est due à une culture politique unique qui promeut croissance et libéralisme économique. Le manque de diversité de formations et d’opinions empêche l’idée même d’une transformation des stratégies commerciales, économiques et fiscales. Ces résistances au changement s’expliquent par cette pensée unique que le développement passe par l’extraction incontrôlée des ressources.

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